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Relations internationales

Le programme spatial chinois : compétition ou coopération ?

Jayan Panthamakkada Acuthan

Résumé

Cet article analyse le programme spatial chinois et tente d’évaluer ses répercussions tant dans le domaine militaire que civil. Etant donnés la taille de la Chine, son histoire et son statut de membre du conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU), la première mission spatiale chinoise habitée en 2003 constitue un événement important. Une telle prouesse technologique renforce son pouvoir et sa capacité de négociation au niveau international. Cet article explore également le rapport de la Chine aux autres nations spatiales.

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Texte intégral

1Le programme spatial chinois remonte à la fin des années 1950 lorsque Pékin met en place un programme de recherche et développement sur les missiles. Celui-ci bénéficie de l’aide soviétique et, dans une moindre mesure, d’une certaine connaissance des missiles américains1. Les hommes politiques ayant joué un rôle déterminant dans ce programme sont Zhou Enlai, Lin Biao et la Bande des Quatre2. Les deux premiers pensent que la réussite dans le domaine spatial permettrait d’accroître le prestige international de la Chine. La Bande des Quatre est davantage soucieuse de déplacer les opérations spatiales de Pékin vers Shanghai. En 1975, le développement des satellites de communication est inclus dans le Plan. Sous Deng Xiaoping, le programme spatial militaire se concentre sur les satellites de communication géosynchrones3, lesquels, alliés aux satellites de photographie terrestre, sont essentiels en matière de commandement et de renseignement. Le premier satellite de communication géosynchrone est lancé le 8 avril 1984 à bord d’une fusée Longue Marche 3. Deux ans plus tard, la recherche spatiale se voit accorder la plus haute priorité. Après une série de lancements de fusées de petite et moyenne taille dans les années 1960, le lancement préliminaire d’une fusée intercontinentale a lieu au début des années 1970, mais il faut attendre plus de neuf ans pour assister au premier essai de lancement d’une fusée intercontinentale, en mai 19804.

2Le programme de missiles anti-balistiques (ABM) de l’Armée populaire de libération (APL) comprend la construction de deux systèmes anti-missiles (le Fan Ji , contre-attaque – 1 et le Fan Ji 2. Un Fan Ji 3 aurait également été conçu, mais le programme n’aurait pas survécu au chaos de la Révolution culturelle5). Par ailleurs, des rapports techniques de l’Aérospatiale chinoise du milieu des années 1990 indiquent que la République populaire de Chine est en train de développer des systèmes anti-missiles ou anti-satellites6.

3La recherche et le développement en matière de technologie aérospatiale sont de la responsabilité de l’Académie chinoise de technologie spatiale (CAST), alors que l’Académie chinoise de technologie de lancement d’engins spatiaux (CATL) est chargée du développement des lanceurs. A l’heure actuelle, le développement de la technologie des fusées incombe au ministère de l’Industrie aérospatiale7. Les lanceurs chinois sont entièrement construits en Chine8 et la première génération, nommée Chang Zheng (CZ) (Longue Marche), a lancé le premier satellite chinois dans l’espace en avril 1970. La Chine devient alors le cinquième pays à envoyer un satellite en orbite. Depuis, les fusées CZ ont considérablement évolué. Une variation de la série CZ est la fusée FB-1 (Feng Bao, tempête) conçue à Shanghai, qui a notamment pour caractéristique de pouvoir lancer plus d’un satellite à la fois. Depuis leur mise en service en septembre 1988, les fusées FB-1 ont lancé six satellites. Les lancements en orbite géostationnaire sont assurés par les versions suivantes, les fusées CZ-3 et CZ-4. Les fusées CZ-3 sont mises en service en 1984 et assurent depuis tous les lancements vers cette orbite, à l’exception des lancements des satellites chinois en 1988 et 1990 faits par CZ-4 9.

4La plupart des fusées ont été lancées à partir de deux sites gérés par China Satellite Launch and TT&C General (CLTC), l’un à Jiuquan dans la province du Gansu, l’autre à Xichang dans le Sichuan. Un troisième site situé à Taiyuan, dans le Shanxi, n’est pas mentionné dans les publications officielles, mais il a été utilisé pour le lancement de la fusée CZ-4 en septembre 1988 10.

5Le développement des applications de satellites s’est concentré dans les domaines de la télédétection, des communications et de l’exploration physique spatiale. La CAST développe la plupart des applications. La majorité de ces satellites sont des satellites de télédétection récupérables 11. La Chine est entrée sur le marché du lancement de satellites internationaux avec le lancement d’Asiasat-1C en 1990 et d’Arabsat-1C, Freja et deux satellites Aussat en 1992 12. La Chine mène également des recherches sur les satellites de communication de haute capacité, les satellites de détection de ressources terrestres, et les satellites de radiodiffusion13. Dans ce contexte, la politique spatiale chinoise prévoit le développement de tous types de systèmes de satellites d’application spatiale ainsi que la construction d’une station spatiale, d’un engin de lancement d’engins lourds et un système de transport dans l’espace. Xie Mingbao, le directeur du Bureau d’ingénierie des programmes spatiaux habités, aurait déclaré que la Chine a « dépensé 18 milliards de yuans [environ 2,2 milliards de dollars américains] sur les cinq vaisseaux spatiaux de la série Shenzhou (vaisseau divin) lancés jusqu’à aujourd’hui »14. Il est néanmoins difficile d’estimer le montant total des dépenses annuelles consacrées au programme spatial chinois. Joan Johnson-Freese, de l'Académie navale de guerre des Etats-Unis, estime que la Chine consacre chaque année entre 1,4 et 2,2 milliards de dollars américains à l’espace, mais elle réfute toute comparaison avec les dépenses spatiales américaines en raison du débat sur le taux de change des monnaies15. Le programme spatial chinois est toujours en retard sur celui des Etats-Unis en termes d’expérience, d’expertise et de ressources, mais le gouvernement chinois ne reste pas inactif face à la première puissance spatiale16. Il est probable que la Chine ait acquis de l’ancienne Union soviétique son savoir-faire technique en matière d’ascension directe de navigation satellite, similaire à la méthode co-orbitale d’interception. La Chine semble être sur le point d’acquérir des armes à guidage laser, capables d’aveugler les satellites en orbite proche de la terre. Il est certain qu’il n’existe aucune barrière technologique empêchant la Chine de développer un tel système.

6Le 15 octobre 2003 à 9 heures du matin (heure locale), à Jiuquan, la Chine lance grâce à une fusée Longue Marche 2F, son premier vaisseau spatial habité par un « taïkonaute »17, le Shenzhou V ; après l’Union soviétique et les Etats-Unis, elle fait ainsi son entrée –– dans le club très fermé des pays ayant envoyé un homme dans l’espace18. Le 16 octobre 2003 à 18 heures 23 (heure de Pékin), le colonel Yang Liwei, 38 ans, premier Chinois à avoir voyagé dans l’espace, foule les steppes de la Région autonome de Mongolie intérieure après un voyage de 21 heures. Il a effectué 14 rotations autour de la terre (21 heures et 23 minutes) et parcouru quelque 600 000 kilomètres. A la mi-octobre 2005, plus d’un milliard de Chinois avaient les yeux rivés sur les astronautes Fei Junlong (40 ans) et Nie Haisheng (41 ans) alors qu’ils embarquaient à bord du vaisseau Shenzhou VI, au centre de lancement de Jiuquan19.

7Les droits de propriété intellectuelle dans le domaine spatial (SIPRs) prennent une importance toute particulière avec l’achèvement de la Station spatiale internationale (ISS)20. L’ISS, l’un des aboutissements les plus significatifs de la coopération internationale dans le domaine spatial, est aussi l’exemple le plus approprié pour analyser le cadre réglementaire concernant les droits de propriété intellectuelle dans l’espace. Des inventions réalisées dans l’espace peuvent-elles faire l’objet d’un brevet sur terre ? L’exploitation d’inventions brevetées peut-elle est protégée dans l’espace ? Ces questions occupent désormais les spécialistes.

Buts et principes des activités spatiales chinoises

8Les activités spatiales de la Chine ont un statut important en raison de leur rôle dans la protection des intérêts nationaux et la mise en place de la stratégie de développement énoncée dans le Livre blanc intitulé « La défense nationale de la Chine en 2002 »21. D’après le Livre blanc, la Chine suit une stratégie militaire de défense active. Sur la question du contrôle des armements et du désarmement, le Livre blanc reconnaît que, depuis la fin de la Guerre froide, d’importants progrès ont été réalisés dans le contrôle international des armes, le désarmement et la non-prolifération. Dans la situation actuelle, il est essentiel de maintenir un équilibre stratégique global et de préserver le système juridique régissant le contrôle international des armes et du désarmement. La Chine préconise l’interdiction complète et une destruction totale des armes chimiques, biologiques et nucléaires.

9Les activités spatiales concernent les domaines civil, commercial, militaire et sécuritaire et la sécurisation de l’espace à des fins pacifiques22. Le programme spatial chinois a pour principaux objectifs : l’exploration de l’espace extra-atmosphérique, l’élargissement des connaissances sur l’univers et la terre ; l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques ; la promotion de la civilisation humaine et du progrès social pour le bien de l’humanité tout entière ; la satisfaction des besoins croissants du développement économique, de la sécurité nationale et des progrès scientifiques, technologiques et sociaux ; la sauvegarde des intérêts nationaux et le renforcement de la puissance nationale dans son ensemble.

10Certains experts n’excluent pas la possibilité que la Chine soit engagée dans un programme de station spatiale militaire similaire au programme américain Orbiting Laboratory (MOL) dans les années 1970, lequel fut finalement abandonné.

11Les principes de développement de l’astronautique chinoise consistent à :

12– « maintenir une politique de développement stable, durable et à long terme pour que les activités spatiales soient au service du développement général de la nation et lui soient profitables. Le gouvernement chinois accorde une attention particulière au rôle de l’astronautique dans l’application de la stratégie de redressement du pays par les sciences et les technologies ainsi que celle du développement durable, dans l’édification économique et dans les domaines de la sécurité de l’Etat, du développement scientifique et technique et des progrès sociaux. Il considère le développement de l’astronautique comme une composante importante de la stratégie de développement national, encourage et soutient les progrès dans ce domaine ;

13poursuivre la politique d’indépendance et d’autonomie, consistant à compter sur ses propres forces, et la création de nouveautés ; promouvoir activement la coopération et les échanges internationaux. En comptant sur ses propres forces, la Chine se lance dans des projets de l’astronautique pour réaliser des percées technologiques. En même temps, elle attache de l’importance à la coopération et aux échanges internationaux dans ce domaine et associe, de façon efficace et sur la base du principe d’avantages réciproques, la création autonome de nouvelles techniques spatiales à l’introduction de techniques étrangères avancées ;

14choisir, en fonction de la puissance nationale, des objectifs déterminés pour réaliser des percées dans des projets clés. Dans le cadre du développement de l’astronautique, la Chine choisit, dans l’objectif de répondre aux besoins fondamentaux de la modernisation du pays, des projets qui exerceront une influence importante sur l’économie nationale et le développement social et concentre ses forces pour s’attaquer à des projets clés et réaliser des percées dans les domaines clés ;

15élever les rentabilités sociale et économique des activités spatiales et considérer comme il se doit le rôle stimulant des progrès techniques »23.

16Par ailleurs, « le gouvernement chinois développe des technologies, applications et sciences liées à l’espace en élaborant une planification d’ensemble et en organisant le travail de façon rationnelle dans l’objectif de promouvoir un développement général et coordonné de l’astronautique ». La voie particulière choisie par la Chine pour accéder au développement de l’espace inclut à la fois les applications militaires et la coopération internationale. Les pays qui participent au programme chinois sont la Russie et les anciennes républiques socialistes, les Etats-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Brésil. Le fait que la Chine s’appuie fortement sur la coopération avec d’autres pays est une caractéristique importante. Aux Etats-Unis, cette coopération a causé des conflits politiques importants et a même abouti à une enquête parlementaire au Congrès, notamment pour ce qui concerne la coopération en matière de lancement.

17« La Chine figure parmi les pays les plus avancés dans beaucoup de domaines scientifiques importants comme la récupération de satellites, le lancement d’une fusée unique avec plusieurs satellites, le combustible à basse température, la fusée porteuse à propulseurs d’appoint, le lancement de satellites géostationnaires et les techniques de télémétrie et de télécommande (TT&C). Elle a obtenu également des succès importants dans les recherches sur les satellites de télédétection et de télécommunication, leur fabrication et leur mise en application, les essais de vaisseau spatial habité et les expérimentations de microgravité spatiale »24.

18Selon la position officielle chinoise, l’espace doit être utilisé exclusivement à des fins pacifiques. La Chine est donc opposée à toute militarisation de l’espace, notamment l’installation dans l’espace de systèmes de défense de missile. La Chine a fait des déclarations fortes contre tout type de course aux armements, particulièrement dans l’espace. Dans ses livres blancs sur la défense nationale, de 1998 et 2000, la Chine a appelé à la création d’un mécanisme multilatéral destiné à prévenir toute course aux armements dans l’espace.

19Il y a plusieurs raisons à l’opposition de la Chine à l’armement de l’espace. D’abord, elle est opposée à l’utilisation d’équipements basés dans l’espace dans les systèmes de défense de missiles, comme les détecteurs basés en espace et les ogives d’interception qui peuvent être déployés dans les systèmes de défense de missiles des Etats-Unis. Bien que cela ne soit pas mentionné dans les déclarations officielles, la Chine craint que le déploiement par les Etats-Unis de défenses de missile, notamment le National Missile System (NMD) annule sa propre force de dissuasion nucléaire, l’obligeant ainsi à se lancer dans une course coûteuse aux armements dont elle n’a pas les moyens. L’attention portée par Pékin au contrôle des armements dans l’espace est en fait une tentative de limiter tout futur déploiement de défense de missile par les Etats-Unis.

20Par ailleurs, alors que les Etats-Unis améliorent rapidement leur capacité de déploiement de système d’armement dans l’espace, la Chine craint que cette prééminence ne permette aux Etats-Unis d’utiliser cette technologie pour parvenir à un objectif de domination planétaire. L’industrie de défense chinoise a eu des difficultés à développer et à absorber de nouvelles technologies, et vu le coût du développement de détecteurs et d’armements basés dans l’espace, Pékin a peur d’être incapable de rivaliser avec les Etats-Unis pendant longtemps. En l’absence d’un accord formel multilatéral interdisant le déploiement d’armements basés dans l’espace, on peut prévoir que les Etats-Unis auront un avantage stratégique croissant dans un avenir prévisible. En outre, Pékin est conscient du fait que les Etats-Unis sont en train de se préparer à une guerre spatiale contre la Chine, comme l’attestent divers rapports concernant des manœuvres militaires où la Chine est présentée comme l’« ennemi ». Par exemple, au début de 2001, une manœuvre effectuée dans le Colorado mettait en scène les Etats-Unis contre un adversaire menaçant un voisin de petite taille (par exemple la Chine menaçant Taiwan). Dans ces manœuvres, les deux pays rivaux comptaient beaucoup sur leurs atouts spatiaux. La Chine se considère de plus en plus comme la cible de la militarisation croissante (et du possible armement) des Etats-Unis dans l’espace25.

La Chine, partenaire de programmes internationaux

21Aujourd’hui, pour les Etats-Unis et l’Europe, la Chine apparaît de plus en plus comme un concurrent en matière spatiale – tant sur le plan commercial que politique – dans la région Asie-Pacifique. Cela signifie également que la Chine offre un nouvel éventail d’options de coopération. L’Europe accroît déjà sa coopération. L’Allemagne a participé au développement de satellites de communication chinois. En 1994, China Aerospace et Deutsche Aerospace (aujourd’hui DASA) ont créé une société conjointe, Euraspace, pour construire des satellites de communication pour la télédétection. Le premier d’entre eux a été lancé en juillet 1998. De même, Alcatel a signé un accord avec les Chinois pour la réalisation d’un satellite de communications dont la société française fournira la charge utile qui sera montée sur la première plate-forme chinoise de communication de haute capacité. L’Agence spatiale européenne (ESA) a également commencé à travailler avec la Chine sur une mission scientifique « Double Star » à deux vaisseaux. La coopération avec les Etats-Unis, en revanche, se heurte aux mêmes questions qui ont limité d’autres échanges (transferts de technologie, droits de l’homme et ventes d’armes). Aux yeux de Washington, ces questions devront être réglées avant que la Chine ne puisse devenir un partenaire spatial, mais la Chine accroît rapidement ses capacités dans ce domaine26.

22Une autre société conjointe a été créée en 1996 entre le Xi’an Institute of Space Radio Technology chinois et Com Dev Xi’an (Canada) pour la fabrication de composants électroniques destinés aux satellites et aux équipement terrestres. En mai 1990, les représentants chinois et russes ont signé un accord pour une coopération concernant dix projets. En 1994, La Chine et la Russie ont signé un protocole relatif à la coopération spatiale. En avril 1996, le Président russe Boris Eltsine et les représentants chinois concluaient un nouvel accord pour la formation de spécialistes chinois sur le site russe de formation de cosmonautes. A la fin de 1996, on rapportait que l’Agence spatiale russe était sur le point de signer des contrats avec la Chine sur les lancements de vaisseaux commerciaux, mais on ne connaît pas les résultats de cet accord. Il en est de même d’un accord conclu entre la Chine et le Kazakhstan en 1998. L’aide de la Russie et de ses anciennes Républiques constitue la principale source de coopération spatiale pour la Chine, essentiellement parce que la Russie n’impose pas de limites significatives à sa coopération.

23Dans le domaine des satellites, la coopération de la Chine avec les Etats-Unis a connu des évolutions contradictoires. La première visite d’une délégation de représentants de l’industrie astronautique chinoise à la NASA (National Aeronautic and Space Administration) date de décembre 1978. Les domaines prioritaires identifiés par la Chine étaient alors l’achat d’un système de satellite de communication intérieure et l’accès aux satellites de détection des ressources terrestres27. En 1985, l’annonce par la Chine de son intention de commercialiser les lancements de satellites28 a rapproché le gouvernement chinois des Etats-Unis. En effet, les satellites commerciaux de communication sont soit construits par des sociétés américaines, soit comportent des composants fabriqués aux Etats-Unis, ce qui signifie que des licences d’exportation sont requises.

La militarisation de l’espace

24Diverses tentatives visant à limiter la militarisation de l’espace ont débouché sur des accords multilatéraux29 dont les principaux sont : le Traité d’interdiction partielle des essais nucléaires (1963), le Traité sur l’espace extra-atmosphérique (1967)30, la Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par des objets spatiaux (1972), la Convention sur la modification de l’environnement (ENMOD) (1977), et enfin l'Accord régissant les activités des Etats sur la Lune et les autres corps célestes (1979). La Chine n’est ni partie ni signataire de l’Accord sur la lune et de la Convention sur la modification de l’environnement, mais elle est membre du Comité des Nations unies sur l’utilisation pacifique de l’espace (COPUOS) depuis 1981.

25La Chine a fait savoir qu’elle n’était pas engagée dans une course spatiale contre les autres nations. Si la militarisation de l’espace n’est peut-être pas une question dominante pour les pays engagés dans l’exploration de l’espace, toutefois, d’autres questions telles que les technologies à usages duels et le régime de télédétection, sont susceptibles d’attirer l’attention

26La Chine a signé le Traité sur l’espace extra-atmosphérique le 27 janvier 1967, et l’a ratifié le 24 juillet 1970. Elle a accédé à ce traité le 30 décembre 1983. Il s’agit du plus complet des traités internationaux portant sur l’espace puisqu’il contient des mesures relatives à son utilisation pacifique et à la limitation de l’usage des armes. Il interdit, entre autres, la mise en orbite ou les tests d’armes nucléaires ou de tout type d’armes de destruction massive31. Le Traité d'interdiction partielle des essais nucléaires de 1963 et la Convention sur la modification de l’environnement de 1977 n’interdisent pas le placement ou l’utilisation d’armes dans l’espace extra-atmosphérique mais couvrent certains effets que l’utilisation de ces objets pourrait avoir sur l’espace. Cela inclut les essais de tout type d’armes nucléaires ou tout autre explosion nucléaire, ainsi que l’utilisation militaire ou toute autre utilisation à des fins hostiles de techniques de modification de l’environnement dans des circonstances particulières. D’autres limitations concernant l’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique sont stipulées dans des accords bilatéraux entre les Etats-Unis et l’ex-Union soviétique. Le Traité de 1972 sur les missiles anti-balistiques est le plus important d’entre eux.

27Il existe toutefois des problèmes et des inquiétudes concernant les activités militaires potentielles couvertes par les traités internationaux existants. Par exemple, l’Accord sur la lune qui contient de très importantes interdictions concernant l’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique, n’a été signé ou ratifié que par 13 Etats. Le régime international de contrôle de l’espace n’est pas aussi exhaustif qu’il peut paraître. Un des problèmes de l’adhésion aux traités est que, parmi les principales interdictions relatives aux armes et à d’autres utilisations militaires de l’espace extra-atmosphérique, seules celles qui sont inscrites dans le Traité sur l’espace extra-atmosphérique sont en vigueur pour la plus grande partie de la communauté internationale. Les interdictions figurant dans certains accords spécifiquement relatifs aux armes ne comprennent pas toutes les formes possibles de technologies à usage militaire. Des efforts importants ont été déployés pour améliorer le régime international, c’est-à-dire combler les lacunes relatives au placement en orbite d’armes conventionnelles ou autres qui ne sont pas considérées comme des armes de destruction massive. Ces efforts s’ajoutent à des initiatives visant à mettre en place une interdiction totale de quelconque recherche, production, essai, stockage et utilisation de systèmes installés sur terre ou dans l’espace et conçus pour endommager, détruire ou parasiter des objets placés dans l’espace extra-atmosphérique. Toutefois, ces initiatives ont été confrontées à d’importantes difficultés de nature politique, militaire, pratique et financière qui n’ont pu être surmontées depuis des années.

28Le Livre blanc publié par la République populaire de Chine en novembre 2000 précise que la sécurité nationale est l’un des objectifs poursuivis par le programme spatial ; les satellites de télédétection, de communication et de navigation répondent donc sans doute à des objectifs à la fois militaires et civils. De fait, deux satellites chinois (ZY-2 et ZY-2B) sont généralement considérés comme des satellites de reconnaissance militaire32.

29En 2003, dans son Rapport sur la puissance militaire de la République populaire de Chine, le Département américain de la défense affirme que les efforts déployés par la Chine pour mettre au point le premier vol habité dans l’espace pourraient contribuer à renforcer ses capacités militaires spatiales33. Il suggère également que la Chine pourrait être en train de développer une arme anti-satellite à ascension directe, des systèmes visant à bloquer les signaux des satellites de navigation américains et des lasers basés sur terre pour endommager les senseurs optiques placés sur les satellites. La Chine manifeste depuis longtemps un intérêt pour la défense de missiles, et il est possible qu’elle tente de développer une défense nationale de missiles ainsi que des systèmes de défense contre les missiles de plus courte portée. Zhang Houying, spécialiste d’application spatiale à l’Académie des sciences de Chine, explique en février 2003 que le vaisseau Shenzhou transporte des équipements destinés à la surveillance militaire. Shenzhou V embarque une caméra capable d’une résolution terrestre de 1,6 mètre.

La diplomatie chinoise et les questions spatiales aux Nations unies

30La Chine considère que les instruments juridiques actuels ne sont pas adaptés pour empêcher une course aux armements dans l’espace. C’est pourquoi elle a proposé à plusieurs reprises la mise en place d’un Comité ad hoc pour la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique (PAROS) à la Conférence des Nations unies sur le désarmement. Pékin souhaite que ce Comité soit « un mécanisme général à durée indéterminée au sein duquel toutes les parties pourraient exprimer librement leurs propres opinions »34.

31Les Etats-Unis, eux, sont tout aussi résolus dans leur opposition à PAROS. Il est fort probable que l’administration Bush continue d’éviter tout accord qui puisse remettre en question ses projets de développement et de déploiement d’un système de défense de missiles. Lors de la session de 2002 de la Conférence sur le désarmement, le gouvernement Bush ne semblait pas prêt à changer de position, même si cela signifiait une stagnation sur d’autres questions telles que le traité sur les matériaux fissiles. Officiellement, les Etats-Unis se sont opposés à la formation d’un comité ad hoc, critiquant en partie l’ambiguïté du mandat proposé. Le conflit entre les Etats-Unis et la Chine à ce sujet a rendu impossible tout consensus au sein de la Conférence sur le désarmement. Si la Chine s’est montrée persistante dans sa volonté de maintenir PAROS sur la table des négociations, les Etats-Unis ont fait preuve d’une persistance égale dans leur volonté de bloquer PAROS. C’est pourquoi, de son côté, la Chine a gelé tout avancement concernant le traité sur le contrôle des matériaux fissiles, lequel constitue une priorité pour la Conférence sur le désarmement aux yeux des Etats-Unis. Cette situation a abouti à une impasse depuis 1997 qui empêche tout accord sur un programme de travail et paralyse la progression de l’ensemble des travaux de la conférence.

32La Chine a depuis assoupli quelque peu ses exigences et se montre prête à accepter des discussions moins formelles, même si elle continue d’insister sur le fait que les pourparlers ont pour objectif la création d’un accord qui engagera ses signataires. Pour les Etats-Unis, toutefois, ce compromis est inacceptable puisqu’il reste fondé sur la présomption que le produit final de ces discussions prendrait la forme d’un accord formel35. En mai 2002, les délégations chinoise et russe ont conjointement présenté à la Conférence un document de travail dans l’espoir que les autres délégations étudient sérieusement, soutiennent et signent ce texte. Ce document Les deux délégations appelaient de nouveau à la mise en place d’un Comité ad hoc sur le PAROS dans le cadre de la Conférence, « afin de commencer un travail substantiel sur la négociation d’un tel instrument juridique »36. En septembre 2002, la Conférence sur le désarmement clôtura sa session sans être parvenue à aucun accord37.

Les programmes à venir

33Le Livre blanc sur les activités spatiales publié le 22 novembre 2000 expose une stratégie à court terme (dix ans) et une stratégie à long terme (vingt ans). L’un des objectifs des vols habités et d’une station spatiale est de développer des stratégies militaires basées dans l’espace. Toutefois, à ce stade, on ne peut que spéculer sur les applications militaires exactes envisagées par les Chinois.

34Les scientifiques chinois prédisent l’envoi d’une mission chinoise sur la lune d’ici 2010 et préparent des missions vers Mars. « Nous pourrons embarquer sur une première mission non habitée d’ici deux ans et demi, a affirmé Ouyang Ziyuan, le directeur scientifique du programme lunaire, si le gouvernement approuve le projet aujourd’hui »38. Huang Chunping, le responsable du programme des fusées Longue Marche, a déclaré que « la Chine a désormais résolu la plus grande partie des problèmes relatifs à la technologie spatiale habitée, et aura la capacité de marcher sur la Lune d’ici trois à quatre ans ». Dans quinze ans, la Chine sera au plus haut niveau mondial de la technologie spatiale39. Elle a le projet de construire et de mettre en orbite sa propre station spatiale. L’autorisation de commencer sa conception a été obtenue en février 1999 et une chambre d’essai a depuis été construite40. En mars 2002, Zhang Qingwei, le président de CASC, déclare que la Chine se prépare à finaliser le développement d’un nouvel engin de lancement capable de transporter en orbite une station spatiale de 20 tonnes qui sera « lancée à un moment approprié au cours de ce siècle »41.

35La Chine a bâti sa capacité de lancement sur la base de ses missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) et sur la technologie américaine. Le vol spatial habité doit donc être vu dans le contexte de bénéfices intégrés civils et militaires. Dans le projet à court terme (jusqu’à 2010), l’observation civile-militaire intégrée et les capacités de télédétection de l’espace se verront sans doute accorder la priorité. La mise en place d’un système indépendant de navigation et de positionnement par satellite, si critique pour les missions militaires, ainsi que les capacités de contrôle à partir de l’espace sont mentionnées. La Chine exporte sa technologie de satellite entre autres au Pakistan, en Iran et en Thaïlande. La contribution du programme spatial chinois au programme de missile balistique intercontinental est difficile à mesurer. La famille de fusées Longue Marche comporte 12 types différents d’engins de lancement capables de placer des satellites sur orbite proche de la terre (LEO), sur orbite géostationnaire (GEO) et sur orbite héliosynchrone. Bien qu’impressionnantes, ces capacités ne se traduisent pas nécessairement par une meilleure expertise dans le domaine des ICBM.

36On suppose que la Chine est également active dans la recherche sur les satellites, notamment les technologies anti-satellite (ASAT), mais il est difficile d’évaluer l’état d’avancement des recherches. Les programmes chinois relatifs aux satellites et à l’espace sont un mélange pratiquement indiscernable d’éléments civils et militaires, et les recherches sont menées dans des installations à la fois militaires et commerciales. Alors que la Chine vient à compter sur ses propres systèmes de satellites civils et militaires, elle sera en proie aux mêmes vulnérabilités que les Etats-Unis. Il n’est pas certain que le développement de cette technologie représente un grand intérêt pour la Chine, et le gouvernement a apparemment engagé des ressources considérables pour les programmes liés à l’espace et aux satellites. Depuis plusieurs années elle conduit des recherches sur les technologies ASAT, mais son niveau d’engagement pour la production et le lancement d’ASAT et d’armes satellites est incertain42.

37Les objectifs de développement à court terme (pour la décennie à venir) sont les suivants :

38« fondation d’un système d’observation terrestre par satellite qui opèrera de façon durable et stable. Les satellites météorologiques, les satellites de détection des ressources, les satellites océaniques et la constellation de satellites pour le contrôle de l’environnement et des fléaux constituent un système durable et stable d’observation terrestre qui peut se charger de l’observation stéréoscopique et du contrôle en état dynamique de la terre, de l’atmosphère et de l’océan en Chine, des régions voisines, voire du globe ;

39fondation d’un système de radiodiffusion et de télécommunication par satellite géré par la Chine. Soutien actif du développement des satellites de radiodiffusion et de télécommunication à usage commercial, étude et fabrication de satellites géostationnaires de télécommunication caractérisés par une longue durée de fonctionnement, une sécurité et une grande capacité et de satellites d’émissions télévisées en direct, afin de créer essentiellement un secteur industriel chinois de télécommunication par satellite ;

40création d’un système indépendant de guidage et de localisation par satellite ;

41élévation intégrale du niveau d’ensemble et de la capacité des fusées porteuses chinoises ;

42réalisation de vols spatiaux habités, création d’un système quasi complet de recherches et d’essais consacré au projet de vols spatiaux habités ;

43fondation d’un système national complet et coordonné de mise en service de la télédétection par satellite. Construction de divers systèmes d’application terrestre de télédétection par satellite selon un plan unifié ;

44–développement des sciences spatiales et exploration des profondeurs de l’espace extra-atmosphérique [par le] développement de satellites d’une nouvelle génération pour l’exploration scientifique et les essais techniques »43.

45Les objectifs de développement à long terme (d’ici une vingtaine d’années) sont les suivants :

46« Achèvement de l’industrialisation et de la commercialisation des technologies spatiales et leur application. L’exploitation et l’utilisation des ressources spatiales devraient satisfaire les besoins étendus de l’édification économique, de la sécurité de l’Etat, du développement scientifique et technique et des progrès sociaux et permettre de renforcer davantage la puissance nationale ;

47achèvement, conformément au plan unifié de l’Etat, des constructions dans le domaine de l’infrastructure spatiale multifonctionnelle et multiorbitale, composée de différents systèmes de satellites; construction d’un système d’application terrestre de satellites qui peut établir une coordination entre le fonctionnement des engins spatiaux et celui des équipements terrestres, pour former un réseau reliant la terre et l’espace, complet et constant, opérant à long terme et de manière stable ;

48fondation d’un système chinois de vaisseaux spatiaux habités; développement de recherches scientifiques d’une certaine envergure dans le domaine de l’habitation de l’espace par l’homme et des essais techniques ;

49et obtention de résultats plus nombreux dans le domaine des sciences spatiales afin d’occuper une place relativement importante sur le plan mondial et de développer une détection et une étude des profondeurs de l’espace particulières »44.

50Une meilleure surveillance à partir de l’espace pourrait modifier l’équilibre militaire en Asie. Il est possible que la Chine ait déjà accès à un radar sophistiqué de détection par satellite pouvant détecter, surveiller et cibler des installations militaires et à la technologie de brouillage anti-GPS (Global Positionning System).

51L’Agence spatiale européenne et l’Union européenne ont développé conjointement le programme de navigation par satellite Galileo qui rivalisera et dépassera peut-être les performances du GPS américain. Prévu pour être opérationnel d’ici 2008, Galileo permettra aux utilisateurs (avions, bateaux, véhicules de transports, randonneurs, etc.) d’obtenir leur position au mètre près. Galileo est conçu pour une utilisation civile et se présente comme une véritable alternative au monopole du secteur militaire dans l’espace extra-atmosphérique. La Chine a déjà investi lourdement dans ce projet. Un accord a été signé à Pékin en septembre 2003 entre l’Union européenne et la Chine sur la participation de celle-ci au programme Galileo. A propos du projet euro-chinois Galileo, Loyola de Palacio, le vice président de la Commission européenne en charge des transports et de l’énergie a déclaré que « l’accord entre l’UE et la Chine représente davantage qu’assurer un avenir prometteur à Galileo et les intérêts commerciaux européens : il permet la participation de la Chine à l’Entreprise Commune Galileo et à une contribution financière substantielle de près de 200 millions d’euros »45.

52L’attitude des Etats-Unis à l’égard de la Chine est liée aux applications potentiellement militaires de son programme spatial habité. Toutefois, après cinquante ans de vols spatiaux, il est aujourd’hui bien établi que les satellites de reconnaissance sont beaucoup plus efficaces que les missions habitées quand il s’agit d’utiliser l’espace à des fins militaires. Dans tous les cas, il semble raisonnable de supposer que les investissements consacrés à la recherche spatiale civile– tels que la participation au projet de station spatiale internationale et peut-être à des missions conjointes sur la Lune et sur Mars – est autant d’argent qui n’est pas consacré à une utilisation militaire de l’espace46.

53On avance souvent que les techniques spatiales ne sont pas foncièrement nuisibles. Il s’agit là d’unehypothèse forte. L’envergure du programme militaire chinois et les progrès technologiques réalisés peuvent être mesurés par l’ampleur de ses programmes commerciaux. Les aspects commerciaux des lancements spatiaux chinois sont la responsabilité de la China Great Wall Industry Corporation depuis la fin des années 1980. Le budget de la Chine consacré à l’espace était estimé à un milliard de dollars américains en 200147. Les Etats-Unis ont resserré leur contrôle sur les exportations d’équipements sensibles, et Washington a interdit aux sociétés américaines de lancer leurs satellites à partir du territoire chinois48. Les technologies spatiales ont un certain nombre d’implications pour la sécurité internationale qui semblent devenir de plus en plus significatives à la lumière de deux facteurs49 : l’un est l’accroissement des niveaux de technologie acquis par les principaux Etats qui se sont affirmés dans la mise au point de technologies spatiales ; l’autre est l’accès de plus en plus important à ces technologies par des Etats « émergents » dans le domaine spatial. En même temps, le rôle des applications extra-atmopshériques a considérablement évolué au cours des dernières décennies, ce qui a inévitablement influencé le développement de la doctrine militaire et les diverses utilisations directes et indirectes de ces technologies.

54Les satellites lancés par la Chine sont utilisés dans la diffusion, les communications, l’observation météorologique et océanographique, la navigation et le positionnement, la lutte contre les catastrophes, l’agriculture. La CASC a présenté cinq séries de satellites qui comprennent les satellites de communication Dongfanghong (l’Orient est rouge), les satellites météorologiques Fengyun (vent et nuages), les satellites d’exploration scientifique Shijian (, pratique) et les satellites de télédétection Ziyuan (ressources). La CASC est également responsable de la construction et du lancement du satellite d’essai de navigation Beidou (étoile polaire du nord). Les activités de recherche et de développement contribueront à l’amélioration de ces satellites au cours des décennies à venir. Dans le domaine des communications, la CASC envisage d’accélérer la recherche et le développement afin d’accroître la capacité, l’efficacité, la largeur de bande et la durée d’utilisation de ses satellites pour atteindre le niveau international50.

55Dans la série des satellites de télédétection, les développements à venir concernent la création de satellites dits de ressources terrestres qui disposeront d’imageurs dotés d’une plus grande résolution dans plus de bandes spectrales et d’une plus grande durée de vie.  L’objectif poursuivi est le contrôle de la désertification et de l’évolution des cultures, le suivi des catastrophes naturelles et de la pollution atmosphérique, de l’urbanisation, et enfin des usages cartographiques. Dans le domaine de la microgravité, la CASC utilisera les satellites récupérables pour mener des expériences relatives à la vie dans l’espace, les nouveaux matériaux et l’environnement spatial51. La Chine a également conduit plus de 500 essais de microgravité en biologie aérospatiale sur cinq satellites et deux vaisseaux52. Elle possède un grand nombre de nouvelles variétés de cultures et se situe au premier rang mondial en termes de culture de micro-organismes dans l’espace. A l’heure actuelle, plusieurs pays concentrent leurs efforts pour le développement de petits satellites qui se sont avérés très rentables dans la communication mobile et dans l’exploration des ressources naturelles. Depuis que la Chine a lancé son premier satellite Dongfanghong I en 1970, l’Académie chinoise de technologie spatiale a réussi à lancer plusieurs types de satellites, dont neuf petits satellites. Le « SJ-5 » lancé en 1999 a notamment permis à la Chine de se placer au premier rang mondial pour ce type de satellites. La CASC a adopté une mesure importante pour poursuivre la réforme et s’adapter à l’économie de marché : la création d’Aerospace Dongfanghong Sattelite Co., une société financée conjointement par la CASC et l’Académie chinoise de technologie spatiale, permettra d’accélérer l’industrialisation de la production

56Le lancement par la Chine du premier vol habité en octobre 2003 est davantage le signe d’une compétition que d’une coopération dans le domaine spatial. En un sens, la Chine est aujourd’hui en avance sur l’Europe et se situe à un niveau comparable à celui des Etats-Unis et de la Russie. Elle est aussi le premier pays en voie de développement à accéder au statut de puissance spatiale. Par ailleurs, elle tente de participer aux activités de recherche liées à la Station spatiale internationale (SSI). Sans la participation de la Chine, la SSI ne sera pas un véritable programme international. Le programme spatial chinois doit beaucoup à la Fédération russe. Toutefois, il est difficile d’affirmer que le premier vol chinois habité n’aurait pu avoir lieu sans l’aide de la Russie ; il aurait peut-être simplement eu lieu plus tard.

57Le but premier des activités spatiales chinoises est de satisfaire la demande croissante en termes de construction économique, de sécurité nationale, de développement des sciences et techniques et de progrès social, et de protéger les intérêts nationaux. Dans un pays comme la Chine, tout ce qui est lié au domaine militaire bénéficie d’un soutien politique plus fort que ce qui n’a pas d’application militaire. La Chine possède un programme complet et développé d’exploitation de l’espace. Jusqu’à présent, elle s’est concentrée presque entièrement sur le développement de ses capacités spatiales dans une perspective socio-économique nationale. Au cours des deux dernières décennies, la Chine s’est engagée sous différentes formes dans des coopérations bilatérales, régionales, multilatérales et internationales, notamment dans le domaine des lancements commerciaux qui ont donné d’excellents résultats. La question des débris spatiaux représente un défi important pour une plus grande expansion des activités spatiales. Les administrations chinoises concernées accordent une grande attention à ce problème et mènent des recherches sur ce thème avec d’autres pays depuis le début des années 1980. Par ailleurs, la Chine a participé à divers projets de coopération multilatéraux, tels que le Comité sur les satellites d’observation de la Terre, la Décennie internationale des Nations Unies pour la prévention des catastrophes  et le programme Physique solaire et terrestre internationale.

58Les domaines couverts par le programme spatial chinois pour le nouveau millénaire suscitent beaucoup de curiosité et d’admiration. Les missions réussies de Shenzhou V et VI ont atteint les objectifs visés en termes de légitimité intérieure et de prestige international. A l’époque de la mondialisation et des technologies de l’information et de communication (TIC), l’industrialisation et la marchandisation de l’espace sont des domaines essentiels. La Chine devra former davantage de talents en technologie informatique, notamment dans le secteur des logiciels à utilisation spatiale. La privatisation, l’association public-privé et le tourisme spatial risquent de devenir des questions à l’ordre du jour. L’avenir dira comment évoluera le programme spatial chinois, mais l’histoire montre que la Chine possède déjà la volonté politique et les compétences technologiques pour atteindre les profondeurs de l’espace par ses propres moyens.

59Traduit de l’anglais par Raphaël Jacquet

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Notes

1 Voir Yanping Chen, « China’s Space Policy : A Historical Review », Space Policy, vol. 7, n° 2, mai 1991, pp. 116-128 ; Brian Harvey, The Chinese Space Program: From Conception to Future Capabilities, Chichester, Praxis Publishing, 1998 ; Joan Johnson-Freese, The Chinese Space Program: A Mystery within a Maze, Malabar, FL, Krieger Publishing, 1998 ; Chen Zhiqiang, « Sun Jiadong Talking about China’s Space Technology », Military World, janvier-février 1990, pp. 34-38. Voir également « Swift Development of China’s Missiles and Space Technology: An Interview with Liu Jiyan, Vice-Minister of the Ministry of Aerospace Industry of China », CONMILIT, vol. 3, n° 182, 1992, pp. 45-52 ; Gordon Pike, « Chinese Launch Services: A User’s Guide », Space Policy, vol. 7, n° 2, mai 1991, pp. 103-115.
2 Voir Yanping Chen, op. cit., p. 122.
3 Voir Anne Gilks, « China’s Space Policy », Space Policy, août 1997, p. 216.
4 Pour un éventail d’analyses sur les efforts de la Chine en matière d’armement de l’espace extra-atmosphérique, voir Matthew Mowthorpe, The Militarization and Weaponization of Space, Boulder, Lexington Books, 2004. Voir également Michael B. Yahuda, China’s Role in World Affairs, Londres, Croom Helm, 1978 ; Brian Harvey, The Chinese Space Program: From Conception to Manned Spaceflight, Heidelberg, Springer Praxis, 2004.
5 Voir « China Steps Up ABM Technology Research », Kanwa News, www.kanwa.com/free/2001/ 06/eo613b% 20df31.htm.
6 Yin Xingliang et Chen Dingchang, « Guidance and Control in Terminal Homing Phase of a Space Interceptor », Systems Engineering and Electronics, vol. 17, n° 6, 1995 ; Yin Xingliang, Chen Dingchang et Kong Wei, « Tesoc Method Based on Estimated Value Theory for a Space Interceptor in Terminal Homing », Systems Engineering and Electronics, vol. 17, n° 8, 1995.
7 D’autres institutions importantes chargées de la recherche spatiale sont le ministère de l’Aéronautique et de l’Industrie aéronautique (MAAI), l’Académie chinoise de recherche en technologie spatiale (CASTR) et l’Académie internationale de sciences spatiales (ISSA).
8 Cela est en partie dû aux tensions politiques entre la Chine et l’URSS en 1960 qui ont eu un impact sur la coopération entre les deux pays dans ce domaine.
9 Voir See Yang Chunfu, « China’s Long March Series Carrier Rockets », Military World, mai 1989, p. 22 ; Wen-Rui Hu, Space Science in China, Amsterdam, Gordon and Breach, 1997.
10 Pour plus de détails, voir Gordon Pike, op. cit., p. 107 ; Richard D. Risher Jr., « China’s Missile Modernization and Space Warfare Plans », in K. Santhanam et Srikanth Kondapalli (éds.), Asian Security and China 2000-2010, New Delhi, Institute of Defense Studies and Analyses with Shipra Publications, 2004, pp. 170-176.
11 Voir He Changchui, « The Development of Remote Sensing in China », Space Policy, vol. 5, n° 1, février 1989, pp. 65-75 ; Liu Ji-Yuan et Min Guirong, « The Progress of Astronautics in China », Space Policy, vol. 3, n° 2, mai 1987, pp. 141-147 ; Wu Guoxiang, « China’s Space Communications Goals », Space Policy, vol. 4, n° 3, février 1988, pp. 41-45. On sait que la Chine a lancé plusieurs satellites de télédétection pour l’espionnage militaire. Voir les différents rapports parus dans les annuaires du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), sous la rubrique « Military Use of Space ». Voir également Xing Shizhong, « China Threat Theory May be Forgotten », Qiushi (A la recherche de la vérité), 3 février 1996, in FBIS-CHI, 1er février 1996, et Gao Jiguan, « China Holds High Banner of Peace », Jiefangjun bao (Journal de l’Armée de libération), 27 juin 1996, in FBIS-CHI, 27 juin 1996.
12 Asiasat [satellite asiatique], Arabsat [satellite arabe], Freja [satellite suédois], Aussat [satellite australien].
13 « Swift Development of China’s Missiles and Space Technology: An interview with Mr. Liu Jiyan, Vice-Minister of the Ministry of Aerospace Industry of China », op. cit., p. 53. Voir également Chen Zhiqiang, « Sun Jiadong Talking about China’s Space Technology », Military World, janvier-février 1990, pp. 34-38. Voir aussi Yanping Chen, op. cit., p. 126.
14 « PRC Space Official Says – China to Launch Next Shenzhou in 1-2 years », Beijing Xinhua in English, 16 octobre 2003, via Foreign Broadcasting Information Service (FBIS).
15 Joan Johnson-Freese, communication du 29 septembre 3003 au Center for Strategic and International Studies, http://www.csis.org. Voir aussi Joan Johnson-Freese, The Chinese Space Program: Mystery within a Maze, Florida, Kreiger Publishing Co., 1998.
16 Voir William S. Murray III et Robert Antonellis « China’s Space Program : The Dragon Eyes the Moon (and US) », Orbis, vol. 47, n° 4, automne 2003, pp. 645-52.
17 Le terme « taïkonaute » vient du chinois taikongren (homme de l’espace).
18 Voir News from China (New Delhi) vol. XV, n° 20, 23 novembre 2003, pp. 15-16. Voir aussi Iton Yi, « Shenzhou – 5 Launcher Ready for Transfer to Jiuquan Launch Site », Space Daily.com, 11 août 2003, et « Russia-China Conference on Disarmament (CD) Working Paper on New Space Treaty » Disarmament Documentation, site Internet du Acronym Institute, 27 juin 2002, http://www.acronym.org.uk/docs.
19 Pour plus de détails, voir Li Li, « Up Goes Shenzhou, Again », Beijing Review, vol. 48, n° 42, 20 octobre 2005, pp. 20-21
20 La Station spatiale internationale est l’aboutissement de la coopération entre l’Agence spatiale européenne (ASE, onze Etats-membres), les Etats-Unis, la Russie, le Canada et le Japon. Elle a pour objectif le développement, la gestion et l’utilisation d’une station spatiale habitée en permanence en orbite proche de la terre. Pour plus de détails, voir Anna Maria Balsan et Aude de Clercq, « The Community Patent and Space Related Inventions », Journal of Space Law, vol. 30, n° 1, 2004, pp. 1-11.
21 L’Office d’information du Conseil des Affaires d’Etat a publié, le 9 décembre 2002, un Livre blanc intitulé « La défense nationale de la Chine en 2002 », le quatrième du genre depuis 1995. Voir le texte intégral du Livre blanc sur http://www.china.org.cn/fa-book/311/index.htm.
22 Pour une analyse complète, voir Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDR), Outer Space and Global Security, Genève, UNIDIR, 2003, pp. 4-10.
23 Voir le Livre blanc sur les activités spatiales de la Chine publié le 22 novembre 2000 par l’Office d’information du Conseil des Affaires d’Etat. Beijing Xinhua in English, “China’s Space Activities”, via Foreign Broadcast Information Service (FBIS), 22 novembre 2000, http://chineseculture.about.com/library/china/whitepaper/bl_space2000.htm.
24 Ibid.
25 Pour plus de détails sur ce thème, voir Jason Sherman, « China Looks Askance at Space War Game », Defense News, 28 février 2001, p. 3 ; « La défense nationale de la Chine », Bureau d’information du Conseil des affaires de l’Etat de la RPC, 27 juillet 1998 ; Li Jijun, « Zhongguo junshi sixiang chuantong yu fang yu zhanlue » (Pensée, tradition et stratégie de défense de l’armée chinoise), Zhongguo junshi kexue (Science militaire chinoise), n° 4, hiver 1997, p. 62.
26 Pour plus de détails, voir Craig Covault, « China Seeks ISS Role, Accelerates Space Program », in Aviation Week and Space Technology, 12 novembre 2001, pp. 52-57.
27 Voir Stephen M. Shaffer et Lis Robock Shatter, The Politics of International Cooperation: A Comparison of U.S. Experience in Space and in Security, vol. 17, tome 4, Université de Denver, Colorado, décembre 1980, p. 26.
28 Pour une analyse sur ce sujet, voir Lin Dengrui, « China’s Space Industry Forging Ahead », China Today, vol. 45, n° 9, décembre 1996, p. 41.
29 Pour toute référence aux traités sur l’espace, voir Office des affaires de l’espace extra-atmosphérique (OOSA), Bureau des Nations unies à Vienne. Voir également Kart-Heinz Bockstiegel et Marietta Benko (éds.), Space Law: Basic Legal Documents, Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1990.
30 Traité interdisant les essais d’armes nucléaires dans l’atmosphère, dans l’espace extra-atmosphérique et sous l’eau.
31 L’Accord sur la lune réitère certaines obligations stipulées dans le Traité sur l’espace extra-atmosphérique, mais n’est pas totalement redondant puisqu’il reflète également la nécessité de définir et de développer davantage certaines dispositions concernant la lune et d’autres corps célestes, telles que la menace ou l’utilisation de la force et certaines activités militaires spécifiques. Pour une analyse juridique du traité, voir Carl Q. Christol, The Modern International Law of Outer Space, 1982 ; pour des sources soviétiques, voir Guennady Zhukov et Yuri Kolosov, International Space Law, xiii, 1984 ; Du Shuhua, « The Outer Space and the Moon Treaties », Verification of Current Disarmament and Arms Limitation Agreements : Ways, Means and Practices, New York, UNIDIR, United Nations Publications, 1991.
32 Pour plus d’informations sur ces sujets, voir le site Internet de la CASC.
33 Voir le site Internet du département de la Défense des Etats-Unis, http://www.defenselink.mil/pubs/20030730chinaex.pdf. Ce site aborde aussi la question des efforts déployés par la Chine pour développer de nouveaux engins de lancements spatiaux et des systèmes « contre-espace », et d’envoyer des êtres humains dans l’espace.
34 Voir le document de travail intitulé « Position et suggestions de la Chine quant aux moyens de traiter, dans le cadre de la Conférence du désarmement, la question de la prévention d’une course aux armements dans l’espace », Conférence sur le désarmement (CD), CD/1606, 9 février 2000.
35 Pour une analyse détaillée de cet aspect, voir Wade Boese, « CD Inches Closer to Starting Negotiations », Arms Control Today, juillet-août 2002.
36 Communiqué de presse de la délégation chinoise à la CD, 29 mai 2002, http://www.china-un.ch/eng130623.html. Voir également « Russian-China CD Working Paper on New Space Treaty », Disarmament Documentation, site Internet de l’Acronym Institute, 27 juin 2002, http://www.acronym.org.uk.
37 Voir communiqué des Nations Unies, « Conference on Disarmament Adopts Annual Report, Concludes 2002 Session », 9 septembre 2002, http://www.un.org/News/Press/docs/2002/dcf418.doc.htm. Voir également le site Internet du Center for Nonproliferation Studies du Monterey Institute of International Studies (MIIS), http://cns.miis.edu, et Nuclear Threat Initiative, http:www.nti.org [consulté le 18 février 2004].
38 Voir « China could target moon by 2005 », MSNBC, 3 mars 2003 ; Leonard David, « China’s Space Program Driven by Military Ambitions », space.com. 13 mars 2002 [consulté le 12 février 2004].
39 Voir Wei Long, « China Hopes Manned Space Flight Will Open Road to Moon », Space Daily, 21 mai 2002.
40 « Beijing Environment, Science and Technology Update », Ambassade des Etats-Unis à Pékin, 21 septembre 2001.
41 « China Plans Heavy Lifter to Launch Space Station and More », Space Daily, 14 mars 2002.
42 Au cours des trente dernières années, la Chine a lancé plus de 50 satellites chinois de dix types différents et plus de 20 satellites étrangers, « Achievements of Defense Conversion in China Aerospace Industry », Aerospace China, vol. 2, n° 2, été 2001. Voir également John Pike, « The Paradox of Space Weapons » Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) Yearbook 2003 – Armaments, Disarmament and International Security, Oxford, Oxford University Press, 2003, pp. 433-434.
43 Livre blanc sur les activités spatiales de la Chine, 22 novembre 2000, op. cit.
44 Ibid.
45 Voir Union européenne, http://europa.eu.int/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/03/1461&format=HTML&aged=1&language=FR&guiLanguage=en
46 Ibid.
47 Pour plus de détails, voir Laurence Nardon, « The World’s Space Systems », in Kerstin Vignard (éd.), Making Space for Security? Disarmament Forum, Genève, United Nations Institute for Disarmament Research, 2003, pp. 33-40.
48 Ibid.
49 « Access to Outer Space Technologies : Implications for International Security, United Nations Institute for Disarmament Research (UNIDIR) », Research Papers, New York, 1992. p. xv. Voir également Aaron Karp, « Ballistic Missile Proliferation », World Armaments and Disarmament, Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) Yearbook : 1991, London, Oxford University Press, 1991, p. 337. Sur les implications à venir de la sécurité spatiale à cet égard, voir Daniel S.Papp et John R. McIntyre, International Space Policy : Legal, Economic, and Strategic Options for the Twentieth Century and Beyond, New York, Quorum Books, 1987.
50 Voir Wei Long, « Ambitions Space Effort Challenges China in Next Five Years », http:/www.spacedaily.com/news/china-01W1.html [consulté le 3 janvier 2004].
51 Ibid.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Jayan Panthamakkada Acuthan, « Le programme spatial chinois : compétition ou coopération ? »Perspectives chinoises [En ligne], 92 | novembre-décembre 2005, mis en ligne le 01 décembre 2008, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/931

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