Faut-il détester le développement personnel ?

Faut-il détester le développement personnel ? ©Getty - RichVintage
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En philosophie, il est de bon ton de détester le développement personnel : pas rigoureux, mercantile, facile... voire malhonnête quand y sont cités des philosophes. Mais philosophie et développement sont-ils si différents ?

Comment distinguer la philo du coaching ?

Vous connaissez tous ces livres qui vous donnent de quoi vous épanouir, vous sentir mieux, de quoi gagner du temps, atteindre le bonheur, savoir dire non, de quoi s’aimer pour aimer les autres, etc. Aller dans un rayon de développement personnel est une expérience à part entière, puisqu’on y voit étalés devant soi tous les complexes possibles. À chacun de choisir son problème, de piocher un ouvrage et d’en découvrir le remède.

En philosophie, il est de bon ton de détester ça : pas scientifique, pas rigoureux, mercantile, les raisons sont nombreuses. Mais la principale pourrait être celle-ci : le développement personnel donne des solutions, quand la philosophie, elle, formule des problèmes. 

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Et pourtant, force est de reconnaître ce paradoxe : la philosophie porte sur des problèmes existentiels et le développement personnel aussi, la philosophie se porte bien et le développement personnel aussi, lire des philosophes n’empêche pas de lire des manuels de coaching, et même parfois on lit des essais de philosophie comme on lit des recettes pour aller mieux. Alors quelle différence ? Comment distinguer l’une de l’autre ? Faut-il discriminer à tout prix le développement personnel au nom de la pureté philosophique ? 

Modes de vie, mode d'emploi
1h 01

Les faiblesses du développement personnel

La philosophe Julia de Funès dénonce ce paradoxe du « tout coaching » qui ne fait disparaître aucun problème, mais qui, comble du sort, devient du « développement impersonnel ». Contre-productif, conformiste, a priori rien de grave pour la philosophie qui pourrait laisser se déployer ce genre de librairie sans intervenir… mais une autre critique se trouve aussi dans ce terme mentionné d’« imposture ».

Dans une interview que Maxime Rovère, spécialiste de Spinoza, a donnée sur l’engouement que suscite le philosophe dans les rayons de coaching, il pointait justement le détournement dont l’Ethique faisait l’objet. Spinoza aiderait à bien vivre… et on pourrait étendre le propos : Nietzsche à dire non, Descartes à dire « je », sans parler de ces livres qui voient dans chaque penseur une solution pour chaque problème : chef tyrannique, enfants-rois, ou speed-dating (qui va d’ailleurs encore en speed-dating). 

J’avoue être moi-même atterrée devant ces livres parfois mieux édités que des recherches faites sur des années et utilisant le name-dropping de philosophes pour légitimer des conseils qui ne se trouvent même pas chez ces penseurs. Mais après tout, pourquoi suis-je atterrée ? Suis-je snob ? Est-ce que je connaîtrais mieux la philosophie que d’autres pour dire ce qui est bien ou pas ? Est-ce que celle-ci ne peut pas aider à vivre ? Est-ce que les concepts n’auraient de valeur que dans certains cadres, mentionnés et exercés d’une certaine manière ? 

En savoir plus : Leave Spinoza alone ?
Le Journal de la philo
5 min

Quand le problème philosophique devient un simple obstacle à franchir...

Dans Réussir sa vie du premier coup, l’humoriste et philosophe Yves Cusset propose une parodie de manuel de développement personnel : tous les éléments de langage y sont : résilience, clés, acceptation, réussite… et tous les concepts cruciaux de la philosophie aussi : travail, volonté, solitude, bonheur… tous ces concepts qui prêtent le flanc, comme tous les grands auteurs qui les utilisent, au détournement. Et là apparaît justement cette importance de l’usage, du contexte, de la manière.

A priori, difficile de dire quel livre use honnêtement ou pas de philosophie (s’il est facile de distinguer une publication de thèse d’un manuel de survie quotidien, il est plus difficile de trancher pour tout un ensemble d’essais, même les exercices spirituels des Antiques sont redoutables de ce point de vue), mais en se penchant sur les livres eux-mêmes, on a quand même une idée : ceux qui font des catalogues, qui listent des auteurs par problèmes et en tirent des « conseils », mais qui surtout, vous donnent des solutions, des attitudes à suivre, et réduisent des problèmes à des obstacles à franchir, risquent bien de vous décevoir. 

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