La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) permet à tout justiciable de contester la constitutionnalité d’une disposition législative à l’occasion d’un procès devant une juridiction administrative ou judiciaire, lorsqu’il estime qu’un texte porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
La QPC a été instaurée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et précisée par la loi organique du 10 décembre 2009. Entrée en vigueur le 1er mars 2010, elle institue un contrôle de constitutionnalité a posteriori comme le précise notamment le Conseil constitutionnel dans son émission diffusée en ligne sur son site QPC 2020 - Dix ans de questions citoyennes.
Seules les dispositions législatives qui n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel peuvent faire l’objet d’une QPC.
Il s’agit des textes votés par le Parlement : lois et lois organiques ainsi que les ordonnances ratifiées par le Parlement. Il peut s’agir aussi d’une "loi du pays" de Nouvelle-Calédonie. La question de constitutionnalité peut être soulevée à l’encontre de toute disposition législative quelle que soit la date de sa promulgation. Les dispositions législatives antérieures à l’entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958 entrent dans le cadre de la nouvelle procédure.
En revanche, d’autres textes votés par le Parlement, comme les règlements des assemblées ou certaines résolutions, n’entrent pas dans le champ de la QPC.
De même, les décrets, les arrêtés ou les décisions individuelles ne peuvent pas faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité. Ce sont des actes administratifs dont le contrôle de constitutionnalité relève du Conseil d’État.
Comme pour le contrôle de constitutionnalité a priori, les normes constitutionnelles pouvant être invoquées à l’appui d’une question de constitutionnalité sont très larges et concernent tous les domaines du droit.
Il s’agit de l’ensemble des droits et libertés figurant dans le "bloc de constitutionnalité" qui comprend la Constitution du 4 octobre 1958 et les textes auxquels renvoie son Préambule (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, Préambule de la Constitution de 1946, Charte de l’environnement de 2004).
Cette faculté est ouverte aux parties à un procès, la qualité de partie désignant le statut de la personne engagée dans une instance judiciaire.
Lorsqu’elles estiment que la loi qui leur est appliquée au cours de ce procès porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution leur garantit, seules les parties, et uniquement celles-ci, peuvent soulever une QPC.
Une QPC ne peut jamais être posée par le juge lui-même. Néanmoins, le ministère public quand il est partie à un procès, par exemple dans le procès pénal, peut soulever une QPC.
La question prioritaire de constitutionnalité peut être posée au cours de toute instance devant une juridiction de l’ordre judiciaire (relevant de la Cour de cassation) ou de l’ordre administratif (relevant du Conseil d’État), quelle que soit la nature du litige (civile, pénale, commerciale, sociale, administrative, fiscale, etc.). La question peut être posée, en première instance, en appel ou en cassation.
Une exception cependant : une QPC ne peut pas être posée devant une cour d’assises. En matière criminelle, la question de constitutionnalité peut être posée soit avant le procès devant le juge d’instruction, soit après le procès, en appel ou en cassation.
La QPC est posée par écrit. Il faut toujours un écrit distinct des autres conclusions produites, même devant les juridictions dont la procédure est orale. À défaut la demande serait irrecevable. Cet écrit doit être motivé.
Les critères pour que le Conseil constitutionnel soit saisi de la question prioritaire de constitutionnalité sont au nombre de trois :
- la disposition législative critiquée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
- la disposition législative critiquée n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ;
- la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux.
Ces trois critères sont appréciés par la Cour de cassation ou par le Conseil d’État selon la juridiction à l’origine de la QPC.
Il n’est pas possible de saisir directement le Conseil constitutionnel. La question prioritaire de constitutionnalité doit toujours être posée au cours d’un procès et la loi prévoit un double filtre, d’abord par le juge du fond, puis par la Cour de cassation ou le Conseil d’État selon la nature de la juridiction devant laquelle la question a été posée.
La juridiction du fond doit procéder sans délai à un premier examen. Elle examine si la question est recevable et si les critères fixés par la loi organique du 10 décembre 2009 sont remplis. Si ces conditions sont réunies, la juridiction saisie transmet la question prioritaire de constitutionnalité selon le cas au Conseil d’État ou à la Cour de cassation. Le Conseil d’État ou la Cour de cassation procède à son tour à un examen plus approfondi et décide de saisir ou non le Conseil constitutionnel.
Le refus, par les juridictions suprêmes, de saisir le Conseil constitutionnel ne peut faire l’objet d’aucun recours. Quand la juridiction du fond refuse de transmettre une QPC, cette décision ne peut être contestée que lors d’un appel ou d’un pourvoi en cassation.
Il existe toutefois une exception à la règle du filtrage : lorsque le Conseil constitutionnel se trouve être lui-même juridiction de jugement, ce qui est notamment le cas en matière de contentieux des élections parlementaires. Ainsi dans sa décision n° 2011-4538 du 12 janvier 2012, le Conseil constitutionnel a accepté d’examiner, en tant que juge électoral, une question prioritaire de constitutionnalité soulevée directement devant lui, dans le cadre du contentieux des élections sénatoriales.
Lorsque la question de constitutionnalité est transmise, la juridiction doit suspendre la procédure dans l’attente de la décision des juridictions suprêmes puis, s’il a été saisi, du Conseil constitutionnel.
Toutefois, le juge doit statuer sans attendre lorsque l’instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté. Il peut également ne pas reporter sa décision si la loi prévoit de statuer en urgence ou dans un délai déterminé.
Lorsqu’il est saisi, le Conseil constitutionnel a trois mois, à compter du jour où il a été saisi, pour rendre sa décision.
Si le Conseil constitutionnel déclare la disposition contestée conforme à la Constitution, la juridiction doit l’appliquer, à moins qu’elle ne la juge incompatible avec une disposition du droit de l’Union européenne ou d’un traité.
Si le Conseil constitutionnel déclare la disposition contestée contraire à la Constitution, cette décision a deux conséquences :
- l’application de la disposition est écartée dans le procès concerné ;
- la disposition est abrogée soit immédiatement, soit à compter d’une date ultérieure fixée par le Conseil lui-même.
Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours.
Nonobstant les pays qui n’ont pas mis en place de contrôle de constitutionnalité des lois (Angleterre, Pays-Bas, Suède, Finlande, Luxembourg, Danemark par exemple), nombreux sont les pays qui connaissent sous une forme ou une autre un contrôle de constitutionnalité après l’entrée en vigueur d’une loi.
Mais le contrôle par le biais d’une question préjudicielle (qui oblige une juridiction à suspendre la procédure jusqu’à la décision de la juridiction compétente sur la question posée) est moins répandu. En Europe, la Belgique, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne connaissent ce mécanisme sous des formes voisines.
Ainsi, en Italie, la Cour constitutionnelle peut être saisie d’une question préjudicielle par toutes les juridictions dès lors qu’une partie ou le ministère public soulève une question de constitutionnalité. Cette saisine ne fait l’objet d’aucun filtrage.
De même, en Espagne, la saisine du Tribunal constitutionnel s’effectue sans filtrage soit à la demande d’une des parties, soit d’office par le juge.
En Belgique, la Cour constitutionnelle peut être saisie d’une question préjudicielle posée devant n’importe quelle juridiction, soit à la demande d’une des parties, soit d’office par le juge, après une procédure de filtrage. Contrairement à la France, le juge constitutionnel se limite à écarter la norme contraire à la Constitution, il ne l’annule pas.
En Allemagne, l’examen d’une question préjudicielle est toujours soumis à l’autorisation préalable de la Cour constitutionnelle.